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L'évolution de la délinquance juvénile

Depuis son ouverture en 1869, la prison Winter a traité de nombreux cas impliquant des enfants entre ses murs. Comment évolue la gestion de la délinquance juvénile à la prison Winter entre 1882 et 1915?

Les registres d’écrou, archives sérielles qui se présentent sous forme de tableau, sont la source primaire pour répondre à cette question. Ces archives présentent le profil sociodémographique des enfants ayant fréquenté la prison Winter sous forme de données majoritairement quantitatives. La nature laconique des entrées du registre ne permet pas de bien saisir la nature réelle de certains crimes inscrits dans les tableaux. Le caractère manuscrit du registre comporte plusieurs sources d’erreur et d’imprécision, notamment la répétition de certains cas ou encore des erreurs de calligraphie rendant certaines entrées illisibles. Nous avons pris l’ensemble des cas dans les cinq registres qui concernaient les enfants de 16 ans et moins afin de bâtir une base de données contenant les différentes catégories importantes à la recherche en s’inspirant de l’article de Donald Fyson[1]. À partir de cet éventail de données de 341 cas, il fallait laisser tomber les informations nominatives afin de se concentrer sur celles qui permettent de bâtir le profil sociodémographique des enfants et des raisons de leur passage à la prison Winter. Les tendances qui se dégagent des résultats obtenus doivent faire l’objet de plus amples recherches afin d’arriver à des résultats plus concrets.

Le nombre de cas de délinquance juvénile est en diminution graduelle jusqu’à la période de 1903 à 1905 avant de remonter au même niveau que 1895 à 1898. Tout au long de la période de 1882 à 1915, le nombre de jours passés en prison par les enfants reste plutôt stable.

Il est intéressant d’observer que les jeunes ne restent pas très longtemps à Winter. Notre recherche montre un nombre significatif de cas où les enfants sont transférés dans des écoles de réformes. La prison semble donc être utilisée comme une solution temporaire à la délinquance juvénile.

Grâce aux données recueillies, il est possible d’observer que le type de crime le plus commis par les délinquants juvéniles entre 1882 et 1915 est contre la propriété qui inclut principalement des vols. Les crimes contre l’ordre public se trouvent en deuxième position. La proportion des autres catégories de crime est plutôt disparate.

Les garçons commettent la grande majorité des crimes juvéniles, une réalité probablement influencée par le cadre moral de l’époque qui valorise un caractère plus réservé chez les jeunes filles.

En ce qui a trait à l’âge, les détenus de 3, 4 et 5 ans ne représentent jamais plus de 4% de la population carcérale juvénile. Elle disparaît même des registres dès 1894, en partie, à cause de la loi concernant les jeunes délinquants de 1892[2]. Graduellement, probablement afin d’éviter la contamination morale, les jeunes deviennent moins nombreux dans la prison. Les autorités judiciaires semblent tenter de trouver des établissements alternatifs pour placer les jeunes délinquants, notamment les écoles de réforme. De plus, pour l’entièreté de la période étudiée, il n’y a aucun enfant âgé de 6 et 7 ans. Jusqu’en 1898, les enfants de 12 ans et moins représentent une proportion importante des données collectées, mais celle-ci diminue avec l’importance que prennent les jeunes de 14, 15 et 16 ans.

Texte réalisé par: Émile Langevin, Koralie Plante, Évelyn Dansereau et Luka Roy

Médiagraphie

Références

[1] Donald Fyson, « The Judicial Prosecution of Crime in the Longue Durée. Québec, 1712-1965 », Dans Jean-Marie Fecteau et Janice Harvey, dir., La régulation sociale entre l’acteur et l’institution. Pour une problématique historique de l’interaction, Québec, Presses de l’Université du Québec, 2005, p. 94-95.

[2] Renée Joyal, Les enfants, la société et l’État au Québec, Montréal, Hurtubise, 1999, p.113.

Pour aller plus loin

Ménard, Sylvie, Des enfants sous surveillance : la rééducation des jeunes délinquants au Québec (1840-1950), Montréal, VLB, 2003, 247 p.

Dale, Gilbert, « Assister les familles de Québec L’école de réforme et l’école d’industrie de l’Hospice Saint-Charles, 1870-1950 », Revue d’histoire de l’Amérique française, vol. 61, no 3-4 (hiver–printemps 2008), p. 469-500.

Trépanier, Jean, « La loi canadienne sur les jeunes délinquants de 1908 : une loi sous influence américaine ? », Revue d’histoire de l’enfance irrégulière, no 17 (2015), p. 119-136.

Niget, David, « Histoire d’une croisade civique : la mise en place de la “Cour des jeunes délinquants” de Montréal (1890-1920) ». Revue d’histoire de l’enfance irrégulière, no 5 (2003), p. 133-170.

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