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La prison Winter sous la loupe

Cette vignette s’attarde à comparer la prison Winter de Sherbrooke au reste du parc carcéral québécois des années 1867 à 1915 afin d’en brosser un portrait général dans le but de proposer une réponse à la question suivante : comment la prison Winter s’inscrit-elle dans l’évolution de la démographie carcérale au Québec?

Les sources sur lesquelles se base notre recherche sont les rapports rédigés par le Bureau des inspecteurs de prisons, asiles, etc.: des documents papier dactylographiés traitant plusieurs facteurs et progressant chronologiquement. Ils commencent tous par une description générale de l’état du système par l’inspecteur en chef, suivie des tableaux comparatifs, puis des rapports concernant chaque prison. Ces rapports étaient produits selon un mandat émis par le gouvernement provincial dans le but de produire des informations sur l’état des prisons et les caractéristiques de la population carcérale, et donc sur différents problèmes sociaux, sur la réussite des objectifs carcéraux tels que la réhabilitation des prisonniers ainsi que le respect de certaines normes des différentes prisons. Cette recherche se penche sur les données quantitatives des rapports pouvant être retrouvés dans différents tableaux afin d’étudier la population carcérale de la prison Winter, certes, mais surtout de la comparer avec la population carcérale du reste du Québec.

[A] La prison Winter, 2007.

Pour chaque année et pour chaque prison, nous avons amassé les données quantitatives liées au nombre de prisonniers, au nombre maximum de prisonniers concurrents, à l’âge, à l’alphabétisation, à la religion et aux nombres de récidives. Cette démarche a permis de cerner le statut sociodémographique des prisonniers ainsi que l’évolution du nombre de détenus dans les prisons. Néanmoins, nous avons dû faire des choix en raison de la taille des documents, et certaines données qui auraient pu être utiles ont dû être mises de côté, notamment le métier et la nationalité des détenus. De plus, nous avons volontairement écarté plusieurs données touchant le système judiciaire et nous avons sélectionné seulement quatre prisons représentant à la fois les mondes ruraux et urbains, soit celles de Montréal, Québec, Trois-Rivières et Kamouraska, afin d’en comparer les résultats avec ceux de la prison de Sherbrooke. Notre méthode a également été forcée par la subjectivité des sources elles-mêmes, puisque dépendante de l’opinion d’un inspecteur utilisant lui-même les rapports des années précédentes. De plus, la méthodologie des rapports évolue et certaines erreurs s’y glissent: il est donc complexe de démontrer l’évolution nette de certaines données. C’est d’ailleurs pour cette raison que nous avons dû abandonner les rapports des deux dernières années.

[B] Vue d’ensemble de la ville de Sherbrooke, 1881

Nos résultats préliminaires montrent une lente augmentation généralisée et constante du nombre de prisonniers. Tout comme leur taille le suppose, les évolutions sherbrookoise et trifluvienne sont particulièrement similaires. Comme dans toutes les autres villes, les hommes sont surreprésentés dans le système carcéral sherbrookois, de même que les catholiques par rapport aux non-catholiques. Cela dit, en comparant Sherbrooke à Trois-Rivières, le nombre de non-catholiques est bien plus grand dans cette première. Une hypothèse avait précédemment été apportée concernant la hausse du nombre de prisonniers comme étant liée à la criminalisation progressive de la société, mais n’a cependant pas été prouvée et devrait être sujette à caution[1]. Quant au grand nombre de non-catholiques dans le système carcéral sherbrookois, il est probablement au moins en partie explicable par le grand nombre d’anglophones non catholiques à Sherbrooke et dans les Cantons-de-l’Est[2], mais cette hypothèse nécessiterait également de plus amples recherches. Généralement, il est possible d’affirmer que Sherbrooke suit à la fois les grandes tendances québécoises et locales, suivant de particulièrement près celles des villes de taille similaire.

Recherche et texte réalisés par Marc Antoine Breton Arguin, Hugo St-Pierre, Alexis Bilodeau, Julien Carrie.

Notons que ce tableau se limite aux années 1867-1913, et non 1915, puisque les rapports concernant ces deux dernières années ne contiennent pas l’information nécessaire au calcul du nombre total de prisonniers admis.

Le nombre d’hommes détenus est largement supérieur à celui des femmes, peu importe la prison ou l’année à l’étude.

Pour chacune des prisons, le nombre d’adultes incarcérés dépasse de façon impressionnante celui des mineurs.

Le nombre de catholiques incarcérés est nettement supérieur à toute autre dénomination religieuse, et ce pour chacune des prisons.

Médiagraphie

Images

[Page couverture] Martin Tremblay, Archives La Presse, Photographie des cellules de la prison Winter (Sherbrooke, 2019).

[A] Michel Gagnon, « Ancienne prison Winter à Sherbrooke, Québec », (Sherbrooke, 2007).

[B] [s.a.], Centre de ressources pour l’étude des Cantons-de-l’Est, « Bird’s Eye View of Sherbrooke », (1881).

Références

[1] Donald Fyson, « The Judicial Prosecution of Crime in the Longue Durée. Québec, 1712-1965 », dans Jean-Marie Fecteau et Janice Harvey, dir., La régulation sociale entre l’acteur et l’institution. Pour une problématique historique de l’interaction, Québec, Presses de l’Université du Québec, 2005, p. 115.

[2] Jean-Pierre Kesteman, Histoire de Sherbrooke, Tome II : De l’âge de la vapeur à l’ère de l’électricité, 1867-1896, Sherbrooke, Éditions G.G.C., 2001, p. 88-97.

Pour aller plus loin

Milot, Richard, « Le Sherbrooke du XIXe siècle », Continuité, no 32-33 (été-automne 1986), p. 14-19. https://id.erudit.org/iderudit/17948ac

Gagnon, François, « La population carcérale de l’établissement de détention de Sherbrooke, 1893-1931 », mémoire de maîtrise (histoire), Université de Sherbrooke, 2001, 119 p. https://savoirs.usherbrooke.ca/handle/11143/2252

Laplante, Jacques, « Cent ans de prison: les conditions et les “privilèges” des détenus hommes, femmes et enfants », Criminologie, vol. 24, no 1 (1991), p. 11-32. https://www.erudit.org/fr/revues/crimino/1991-v24-n1-crimino931/017300ar/

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