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La religion derrière les barreaux

Grâce aux données contenues dans les rapports d’inspection, il est possible d’observer que la population carcérale catholique de toutes les prisons échantillonnées était nettement supérieure à celle non catholique, et ce durant toute la période des années 1867 à 1915. Or, comment s’explique ce grand nombre de catholiques?

Le but de cette vignette est d’approfondir l’étude de cette plus grande présence catholique dans les prisons québécoises. Les résultats du premier dépouillement de nos données ont été utilisés et comparés à des données tirées d’un ouvrage de Jean-Pierre Kesteman concernant la proportion des différents groupes ethniques à Sherbrooke à différentes années de la période étudiée, afin de voir si la place qu’occupaient les catholiques était comparable dans les prisons et dans la société[1].

[A] Prison Winter, ~1930.

Nous savons qu’une majorité de Canadiens français étaient catholiques[2] et qu’une bonne proportion d’Irlandais dans les Cantons-de-l’Est l’étaient également, bien qu’ils ne l’étaient évidemment pas tous[3]. Pour être certains de ne pas sous-évaluer la population catholique de Sherbrooke à l’époque étudiée, nous avons considéré, dans les données de Kesteman, que tous les Canadiens français et tous les Irlandais étaient catholiques. Cette très certaine surévaluation de la proportion de catholiques dans la population sherbrookoise de l’époque est relativement comparable à leur place dans la prison Winter à l’époque étudiée, ce qui montre qu’ils étaient probablement faiblement surreprésentés. Ces données nous indiquent donc les causes du plus grand nombre de catholiques dans les prisons québécoises sont multifactorielles.

Ce phénomène s’explique, au moins en partie, par la division à la fois ethnique et religieuse de la société. En effet, la religion catholique était plutôt associée aux classes populaires[4] dont les comportements avaient plus tendance à être criminalisés, surtout à partir du 19e siècle[5]. Comme le montrent cependant nos résultats, la place de chaque groupe religieux dans la société semble, à première vue, être la cause principale de leurs places respectives dans les prisons. Il est donc encore une fois possible d’affirmer que Sherbrooke respectait les tendances québécoises au niveau de sa population carcérale ainsi que des tendances plus locales. L’hypothèse proposée est cependant préliminaire et mériterait de plus amples recherches avec des données plus précises et prenant compte des autres villes.

Recherche et texte réalisés par Marc Antoine Breton Arguin et Hugo St-Pierre.

Ce graphique illustre le nombre moyen de catholiques et de non-catholiques dans nos cinq prisons étudiées de 1867 à 1915 afin d’en tirer une tendance généralisée. En l’occurrence, la majorité de catholiques est indubitable.

Ce graphique présente la moyenne des dénominations religieuses de la population sherbrookoise à travers les années. Ces résultats permettent d’y comparer les données tirées des rapports d’inspection afin de voir s’il y a ou non surreprésentation des catholiques dans la prison Winter.

Médiagraphie

Images

[Page couverture] [s.a.], Carte postale montrant l’église Saint-Jean-Baptiste, (Cap-aux-Diamants).

[A] Archives nationales du Québec à Sherbrooke, fonds Studio Boudrias, P21, série 6, D300213, pièce 1, Établissement de détention de Sherbrooke, communément appelé Prison Winter : 271, rue Winter, Sherbrooke (Sherbrooke, 1930-).

Références

[1] Jean-Pierre Kesteman, Histoire de Sherbrooke, Tome II : De l’âge de la vapeur à l’ère de l’électricité, 1867-1896, Sherbrooke, Éditions G.G.C., 2001, p. 88-97.

[2] Aileen D. Ross, « The Cultural Effects of Population Change in the Eastern Townships », The Canadian Journal of Economics and Political Science / Revue canadienne d’Économique et de Science politique, vol. 9, no 4 (nov. 1943), p. 450.

[3] Voir notamment Jolyne Rodrigue, « Le peuplement du Canton de Leeds au XIXe siècle », Cap-aux-Diamants, no 124 (2016), p. 8-11.

[4] Jean-Pierre Kesteman, « Les travailleurs à la construction du chemin de fer dans la région de Sherbrooke (1851-1853) », Revue d’histoire de l’Amérique française, vol. 31, no 4 (mars 1978), p. 536 et 540.

[5] Donald Fyson, « The Judicial Prosecution of Crime in the Longue Durée. Québec, 1712-1965 », dans Jean-Marie Fecteau et Janice Harvey, dir., La régulation sociale entre l’acteur et l’institution. Pour une problématique historique de l’interaction, Québec, Presses de l’Université du Québec, 2005, p. 95.

[6] Jean-Pierre Kesteman, Histoire de Sherbrooke, p. 91.

Pour aller plus loin

[s.a.], « La spiritualité, une deuxième chance en prison », Radio-Canada, 3 janvier 2019, https://ici.radio-canada.ca/nouvelle/1144817/spiritualite-deuxieme-chance-prison-penitencier-dorchester-nouveau-brunswick.

Service correctionnel Canada, « Accommodements religieux des détenus », 27 septembre 2016, https://www.csc-scc.gc.ca/politiques-et-lois/750-1-gl-fra.shtml.

Rawlk, George, « Religion in Canada: A Historical Overview », The Annals of the American Academy of Political and Social Science, vol. 538 (march 1995), p. 131-142.

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