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Disparités homme/femme entre 1867 et 1913

Les rapports d’inspection en témoignent : la population des prisons québécoises entre 1867 et 1915 se compose majoritairement d’hommes. La situation sociale des deux genres étant très différente à l’époque, il est intéressant de se pencher sur les raisons de cette représentation disproportionnée.

Graphique représentant le pourcentage de femmes dans les prisons par rapport à la population carcérale totale au fil des ans.

Après la collecte de données, nous nous sommes concentrés sur deux aspects de cette statistique. Tout d’abord, par rapport au reste de la province, la prison de Sherbrooke accueille beaucoup moins de femmes en moyenne. Ensuite, alors que la proportion de femmes en prison au Québec semble diminuer au fil des ans, celle de la prison Winter augmente. Premièrement, alors que le reste du Québec oscille entre 15% et 35% de femmes derrière les barreaux, la prison de Sherbrooke peine à dépasser les 10%. Pourquoi ?

Durant la période à l’étude, la ville de l’Estrie reste assez peu peuplée à l’échelle québécoise[1]. Le système pénal accordant une grande importance à la séparation des genres, il se peut que le besoin de construire des installations féminines complètes n’ait pas été ressenti. Cela pourrait avoir contribué au non-enfermement de certaines femmes faute d’espace dans les ailes de la prison masculine qui leurs étaient dédiées.

Deuxièmement, la proportion de femmes incarcérées diminue dans l’ensemble du Québec au fil des années. Cependant, la population carcérale féminine grandit à Sherbrooke.

La plupart des crimes pour lesquels les femmes sont condamnées à l’époque ont un lien avec des « devoirs maternels manqués » ou la folie. Il est probable qu’avec la généralisation des asiles psychiatriques et autres bâtiments du genre à travers le 19e siècle[2], le système ait été désengorgé des femmes condamnées pour démence.

Mais pourquoi le même phénomène n’est-il pas constatable à Sherbrooke ? Peut-être est-ce parce que le faible nombre de cas (environ 13 personnes par an en moyenne) rend les courbes plus prononcées, faisant qu’un changement d’à peine quelques personnes puisse avoir un gros impact sur le plan statistique.

Texte écrit par Alexis Bilodeau et Julien Carrie

Médiagraphie

Images

Wendy Alvarez, librairie numérique IStock « Retrato en blanco y negro », (Cancùn, 18 juin 2020), https://unsplash.com/photos/RfOfrTLnv-4.

Références

[1] Jean-Pierre Kesteman, « La Condition urbaine vue sous l’angle de la conjoncture économique : Sherbrooke, 1875 à 1914 », Urban History Review / Revue d’histoire urbaine, vol. 12, no 1 (juin 1983), p. 11-28, https://doi.org/10.7202/1018993ar.

[2] Marie-Josée Fleury et Guy Grenier, « Historique et enjeux du système de santé mentale québécois », Ruptures, revue transdisciplinaire en santé, vol. 10, no 1 (janvier 2004), p. 21-38, Lien.

Pour aller plus loin

Bernier, Joanne et André Cellard, « Le syndrome de la femme fatale : “Matricide” et représentation féminine au Québec, 1898-1940 », Criminologie, vol. 29, no 2 (automne 1996), p. 29-48, https://doi.org/10.7202/017388ar.

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